En tant qu’enseignants et parents, nous avons tous été confrontés à des moments où nos élèves ou enfants semblent incapables de se concentrer, malgré tous nos efforts pour maintenir leur attention. Cette difficulté, souvent exacerbée après plusieurs heures passées en classe, peut avoir une solution inattendue : la nature. Des études, notamment celles menées par Stephen et Rachel Kaplan dans les années 1980, ont montré que le temps passé en nature permet de restaurer les capacités de concentration. Cette découverte repose sur ce qu’ils ont appelé la théorie de la restauration de l’attention.

Fatigue de l’attention : une ressource limitée

Pour comprendre cette théorie, il est important de saisir un concept clé : la fatigue de l’attention. Dans notre quotidien, que ce soit pour nous ou pour nos élèves, rester concentré sur une tâche demande une attention dirigée. Cette forme d’attention, qui nécessite de la vigilance et des efforts cognitifs, est une ressource limitée. Lorsque cette ressource s’épuise, il devient difficile de maintenir la concentration sur des tâches complexes ou répétitives, ce qui se traduit par de l’agitation, de la distraction ou simplement un manque d’engagement.

En contexte scolaire, après plusieurs heures passées en classe à suivre des cours, cette fatigue devient souvent évidente. Les élèves ont du mal à rester attentifs et à suivre les consignes. Les pauses en intérieur ou les changements d’activités ne suffisent pas toujours à restaurer leur attention.

Pourquoi la ville épuise l’attention ?

Dans un environnement urbain, comme une cour d’école ou même une simple promenade dans les rues, notre attention dirigée est constamment sollicitée. Nous devons éviter des obstacles, faire attention aux voitures, prendre en compte les gens autour de nous… Ce qui est épuisant. Même pour des activités simples comme traverser une rue ou contourner un groupe de touristes, notre cerveau doit continuellement s’activer, réduisant ainsi rapidement nos réserves d’attention.

D’après les recherches de Kaplan, au bout de seulement 15 minutes dans un environnement urbain, notre capacité à rester concentré est affaiblie. Cela pose un vrai défi en milieu scolaire, où la concentration est essentielle pour les apprentissages.

La nature comme espace de restauration

À l’inverse, un environnement naturel, comme une forêt, un parc ou même une cour verte, présente des stimuli d’un autre type. Les bruits légers des feuilles qui bruissent, le chant des oiseaux, le doux mouvement des nuages… Ces éléments sont fascinants mais peu exigeants pour notre cerveau. Ils ne demandent pas une attention active ou dirigée. Ainsi, lorsqu’un enfant se promène dans la nature, son cerveau se repose tout en étant légèrement occupé par ces éléments. Cela permet à l’attention dirigée de se recharger.

Kaplan et Kaplan ont montré que, après environ 50 minutes passées en nature, nos capacités de concentration sont renforcées. Les élèves sont donc plus aptes à se concentrer sur des tâches complexes après avoir passé du temps à explorer, jouer ou simplement observer leur environnement naturel.

L’application en milieu scolaire : la classe dehors

La classe dehors est un excellent exemple d’application de cette théorie. De plus en plus d’enseignants intègrent des moments passés en extérieur dans leurs routines scolaires. Ces pauses en plein air, même brèves, permettent aux élèves de se reconnecter avec des stimuli naturels et de retrouver une attention focalisée.

Mais il est important de choisir les activités adaptées. Plutôt que de se lancer dans des exercices de mathématiques ou des tâches complexes pendant ces moments en nature, il est préférable de favoriser des expériences fascinantes et engageantes : observer des insectes, toucher les plantes, explorer les environs ou jouer librement. Ces activités simples aident à restaurer l’attention sans solliciter trop fortement les capacités cognitives des élèves.

La nuance : pourquoi la nature n’est pas adaptée pour tout type d’apprentissage ?

Il est cependant important de nuancer cette approche. Bien que la nature soit un lieu idéal pour restaurer l’attention et stimuler la curiosité, ce n’est pas le cadre le plus approprié pour les apprentissages demandant une concentration intense sur des tâches complexes, comme les mathématiques ou la rédaction. Les stimuli fascinants de la nature sont efficaces pour recharger les ressources cognitives, mais lorsqu’on souhaite que les élèves réalisent des tâches analytiques ou demandant une forte réflexion, il peut être contre-productif de les exposer à trop de distractions extérieures.

C’est pourquoi la classe dehors est particulièrement utile pour des activités exploratoires, créatives, ou axées sur l’observation et la découverte. Ces moments permettent aux élèves de s’ouvrir à des expériences sensorielles tout en rechargeant leurs ressources attentionnelles.

Restaurer l’attention pour mieux apprendre

La théorie de la restauration de l’attention met en lumière l’importance de varier les environnements d’apprentissage. Passer du temps en classe est évidemment essentiel pour l’acquisition des connaissances et des compétences, mais intégrer des moments de pause en nature permet de restaurer l’attention des élèves et de préparer leur cerveau à mieux apprendre. En tant qu’enseignants et parents, nous avons la possibilité d’offrir aux enfants ces expériences uniques qui non seulement favorisent leur bien-être, mais leur permettent aussi de devenir plus attentifs et engagés dans leurs apprentissages.

Alors, pourquoi ne pas essayer la classe dehors dès aujourd’hui et observer les résultats sur la concentration et l’attention de vos élèves ?